Lancement d’un beau-livre

Noor-e-Islam, l’édifice du Grand-Chemin mis en lumière

 

 

Un nécessaire devoir de mémoire. C’est ainsi qu’est décrit le beau-livre dédié à la beauté de la toute première mosquée de France, sortie de terre en 1905 à La Réunion : Noor-e-Islam, aussi connue comme la Grande Mosquée de Saint-Denis. « NOOR L’édifice du Grand-Chemin » est un ouvrage d’une centaine de pages ponctuées de magnifiques photographies, de calligraphies et de poèmes. Il a été lancé le 11 mai 2022 à la Salle Karé d’Or à Saint-Denis, par l’Association Islam Sounnate Djamatte (AISD), qui assure la gestion de la mosquée, en présence de son président Igbal Ingar, des contributeurs et des généreux mécènes, entre autres distingués invités. L’objectif de ce lancement est de rendre hommage aux 117 années d’histoire de cette mosquée, espace incontournable du centre dionysien.

 

 

La grande mosquée de Saint-Denis est considérée comme une œuvre d’art, une icône du Grand-Chemin. L’idée d’en faire l’étoile d’un beau-livre vient d’Alçay Idriss Mourouvaye, l’un des contributeurs, dont l’âme artistique a été éblouie par de magnifiques photographies prises par Ibrahim Mulin, lors des célébrations des 100 ans de la mosquée en 2005 et des travaux de rénovation qui se sont déroulés de 2017 à 2020.

 

« NOOR, L’édifice du Grand-Chemin » a été conçu comme un livre d’art centré sur la beauté de l’édifice. À travers les photos, nous avons l’occasion de voir l’évolution de la mosquée entre 1905 et 2020. Elle représente aussi l’occasion de rendre hommage aux fondateurs depuis la fin du 19e siècle et des présidents de l’AISD, qui se sont succédé de 1947 à ce jour. La mosquée Noor-e- Islam est bien plus qu’un lieu de culte, c’est aussi un espace social d’échanges et de rencontres qui participe grandement à la structuration de la ville de Saint-Denis et rayonne sur l’ensemble de notre pays », soutient Igbal Ingar.

 

La première mosquée de France, Noor-e-Islam, ouvrait ses portes au 111 de la rue du Grand-Chemin, un 28 novembre 1905 à Saint-Denis. Elle aura connu quelques travaux d’extension et de rénovation à la suite d’un grand incendie en octobre 1974, et se dresse aujourd’hui fièrement au cœur de la capitale comme un véritable trésor architectural pour la communauté musulmane. S’étendant sur une superficie de 2 000 m2, l’édifice compte aujourd’hui trois salles de prières dont une réservée aux femmes, des bassins d’ablution, et comprend des matériaux nobles et une architecture d’exception.

 

Pour Mario Serviable, président du Fonds Régional d’Art Contemporain de La Réunion « la mosquée de Saint-Denis est aussi une œuvre d’art, un volume pour témoigner de la sensibilité et de la dextérité de l’Homme. L’édifice cultuel est inséré dans le tissu bâti et fait corps, comme la cathédrale et les temples, avec la ville. »

Ce beau-livre a été imprimé en 1 000 copies. Celles-ci seront offertes, gratuitement, aux membres, aux personnalités visitant l’édifice, aux officiels ainsi qu’aux amis de la mosquée, grâce à la générosité de divers donateurs et mécènes. « L’AISD saisit cette occasion pour exprimer sa profonde reconnaissance à tous les donateurs qui ont contribué au financement de cet ouvrage, notamment le Fonds de Dotation des Mascareignes, la famille Osman Molla et la Fondation Issop Ravate, mais aussi l’Association Culturelle Musulmane de Saint-André (ACM) pour avoir assuré la maîtrise d’ouvrage déléguée du projet. Nous souhaitons aussi dire un grand merci à tous ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à la réalisation de cet ouvrage qui se veut être, non seulement, une ode à la première mosquée de France, mais aussi un patrimoine historique et artistique pour les générations futures », conclut le président de la mosquée, précisant que ce livre n’est pas un ouvrage historique ou documentaire sur l’organisation du culte ou de la vie de la communauté musulmane dionysienne.

Fourreau

Pleins feux sur les contributeurs

Nizam Baboorally, calligraphe dans le sang

Sa passion pour la calligraphie lui a été transmise, dès l’enfance, par son père, bijoutier. Né à Maurice, Nizam Baboorally a grandi à Saint-Denis, fasciné par les gravures de son père et la calligraphie latine. Il décide donc de faire de cette passion, son métier et entame des études en Visual Arts à Cambridge, en Angleterre. Sa spiritualité lui révèlera plus tard son don pour la calligraphie arabe.

Chargé de projet dans l’événementiel, Nizam sera entre autres, attaché au cabinet de Jack Lang, alors ministre de l’Éducation nationale, ce qui lui permettra de participer à la mise en place des Classes PAC (Projet artistique et culturel). Désormais artiste calligraphe professionnel basé à Paris, il collabore avec le milieu de la mode et du luxe. Nizam a réalisé toutes les calligraphies originales de cet ouvrage.

Alçay Idriss Mourouvaye, le beau dans la peau

Après un bref passage à l’Éducation nationale, Alçay Idriss Mourouvaye intègre la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de La Réunion. Il y trouve, depuis une trentaine d’années, la double satisfaction d’un engagement professionnel utile au développement social et économique de son île et celle de côtoyer en permanence le beau à travers les gestes et les productions des artisans.

C’est certainement cette immersion dans le beau qui le pousse à s’adonner à sa passion pour la peinture la place qu’elle occupe aujourd’hui dans sa vie. Artiste peintre, il a exposé à plusieurs reprises à La Réunion et à Paris depuis 2014. Après avoir été essentiellement consacré au culte, son engagement au sein de la communauté musulmane réunionnaise se porte aujourd’hui vers le secteur associatif et ses dimensions culturelles et artistiques de l’islam notamment. Alçay Idriss a réalisé les textes, la direction artistique et la coordination générale de cet ouvrage.

 

Ibrahim Mulin, le capteur d’émotions

Ibrahim Mulin s’oriente vers la photographie dès son plus jeune âge. Dans les années 90, il étudie cette discipline entre Colmar et Strasbourg et entame dès lors sa carrière professionnelle en collaborant avec des sociétés alsaciennes. De retour à La Réunion, trois ans plus tard, le jeune photographe se concentre sur la vie réunionnaise et réalise en parallèle des reportages dans l’océan Indien. Passeur d’images, comme il se définit lui-même, cet inconditionnel du noir et blanc, oscille entre reportages, travaux en atelier et expositions. Ibrahim a réalisé les photos de cet ouvrage.

Anwar Patel, le poète patriotique

Issu d’une famille du Sud de l’île, Anwar Patel découvre très tôt la poésie. Pour lui, c’est un véritable engagement. « Je suis assis au milieu de la foule, dans la mêlée des événements que je vis pleinement. Cette écriture a aussi pour but de contribuer, à ma toute petite échelle, à la culture de mon péi. Tout mon parcours s’inscrit dans cette créolité réunionnaise qui tire de ses origines multiples une richesse que beaucoup nous envient. Le village de mes aïeux, Kholvad en Inde, est une source où je m’abreuve également. » Anwar a écrit tous les poèmes de cet ouvrage.

Moucharabieh

Brin d’histoire
Noor-e-Islam, une lumière dans la ville

Le 28 novembre 1905, un nouvel édifice illuminait la capitale, scintillant de paix et de sérénité. Il s’agissait d’une salle de prière – la première à La Réunion – construite par un groupe d’Indiens musulmans du Gujarat, sur un terrain acheté en 1892 au 111 de la rue du Grand-Chemin. Ils ne savaient pas encore, qu’ils bâtissaient la première mosquée de France.

Les travaux de construction dureront sept ans, soit de 1898, après l’accord du gouverneur, à 1905. La mosquée, située en plein cœur du quartier de commerçants dionysien, arborera, dans son bois éclatant, un style occidental et une architecture islamique. Lors de l’inauguration, trois faits notables ont été relayés dans la presse.

Premièrement, des non musulmans étaient invités à l’inauguration de la mosquée, soulignant le profond attachement de la communauté au vivre-ensemble réunionnais. 1 000 francs ont, en deuxième lieu, été distribués aux pauvres. Troisièmement, l’utilisation d’un système d’éclairage électrique, révolutionnaire pour l’époque, avait fait mouche.

Ce n’est qu’entre 1960 et 1962, que des travaux d’extension ont été entrepris sur une parcelle mitoyenne acquise en 1959. Ils ont permis de quadrupler la superficie de la salle de prière et d’accueillir 500 fidèles de plus.

La bâtisse sera, tristement, prise dans un incendie, déclenché dans un local voisin, un 12 octobre 1974. Grâce à la générosité de plusieurs donateurs, la reconstruction de la mosquée a été rendue possible et les travaux ont duré trois ans. Un minaret de 32 mètres sera aussi érigé, donnant à l’édifice un nouvel éclat.

2005 marquera le centenaire de la grande mosquée de Saint-Denis. Une semaine d’activités avait été organisée, en sus de la visite de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, quelques semaines plus tôt, soit le 29 septembre 2005. Outre les célébrations du centenaire le 8 novembre de la même année, il y avait également au, programme, des visites organisées, des colloques, des conférences, ainsi qu’une exposition inédite « La mosquée hors les murs » qui avait connu un franc succès. En effet, des photographies emblématiques de la mosquée et de ses scènes de vie ont été exposées dans le Carré Piéton, entre les rues Juliette Dodu et Jules Auber, entre novembre 2005 et février 2006.

En 2020, l’édifice du Grand-Chemin va connaître un nouveau rayonnement à la suite des travaux de rénovation d’envergure. Il faut savoir que depuis 78, il n’y a eu que des travaux de maintenance et d’entretien à la mosquée qui vieillissait et qui devait être rénovée, car des plaques de marbres menaçaient la sécurité des usagers de la rue piétonne.

Les travaux débuteront en juillet 2017, avec une délicate opération de désamiantage qui durera sept mois. Puis les façades et le minaret subiront aussi un lifting, avec des matériaux nobles, tels que le marbre de Carrare et des mosaïques en pâtes de verres, rehaussés de magnifiques moucharabiehs. Avec le concours de la Ville de Saint-Denis, la façade et son minaret vont bénéficier d’un magnifique éclairage, en lui donnant une beauté nocturne particulière.

Aujourd’hui, plus de 100 ans plus tard, Noor-e-Islam est devenue une icône de la capitale. Un espace social, d’échanges et de rencontres, où le partage et le vivre-ensemble sont prônés quotidiennement. Lieu simple avec une sérénité ambiante, la mosquée accueille élus, autorités locales, membres du gouvernement, étudiants et touristes.

Elle est, en effet, une escale incontournable du parcours touristique dionysien pouvant être visitée en dehors des heures de prières.

Bismillah

Les grandes dates

1850 : arrivée des premiers musulmans originaires de Gujarat en Inde

1892 : achat d’un terrain par ces derniers

1897-98 : demande et accord du gouverneur pour y construire un lieu de prière

1898-1905 : construction

1905 : inauguration de la première mosquée de France

1959-1962 : restauration et agrandissement de la salle de prière

12 octobre 1974 : un terrible incendie détruit la mosquée

1975-1979 : reconstruction de la mosquée, avec une galerie commerciale et un minaret

2005 : la mosquée célèbre ses 100 ans

2017-2020 : travaux de rénovation, désamiantage et réfection des façades